Nous nous dirigeons vers le « potrero » (pâturage), là où Bungey garde ses animaux. Dans un espace emmuré de pierres sont entassés une vingtaine de moutons. Leur laine est précieuse car elle sert notamment à fabriquer les « mochilas », que les Arhuacos tissent de manière traditionnelle depuis plusieurs générations.



La mission de l’après-midi consiste à retrouver les mules, qui se font invisibles à travers l’immense pâturage… Nous comptons sur elles pour nous mener vers notre prochaine destination (afin de ménager nos efforts). Mais il faut dire qu’elles sont difficiles à trouver, ces mules! Notre ami Kogi participe activement à la recherche, lui qui connaît très bien le terrain, et il longe celui-ci sur toute sa longueur sans réussir à trouver les mules qui manquent à l’appel. Je reste sur un monticule de pierre à observer la scène… puis, j’accompagne les deux amis dans un secteur boisé où circule un ruisseau: malgré la présence de traces, nous ne parvenons pas à localiser les bêtes. On abandonne la mission pour aujourd’hui. Va-t-on quand même réussir à continuer le voyage?









Le lendemain, Bungey m’aannonce qu’il a retrouvé les mules qui manquaient à l’appel! Il y en a trois en fait (mais l’une d’elles, à cause d’une mauvaise plaie, n’est pas en condition de voyager). Il utilise son lasso pour les attraper et les sortir du pâturage, pour les mener près de la maison où il prépare le matériel pour les mettre en selle. La mule qui m’est attribuée se prénomme Sombra: une belle bête plutôt haute sur pattes, au poil blanc tacheté de gris. Mon compagnon chevauche une autre mule au pelage brun-roux, légèrement plus trapue. Après l’almuerzo, nous voilà partis en direction du village. Je dois faire attention, en sortant de la finca, alors que j’écarte les branches qui se dressent à la hauteur de ma tête: j’essaie d’éviter de cogner celle-ci sur les cosses de cacao qui échappent parfois à ma vue… Et toc! C’est peine perdue, elles ont la couenne dure mais moi aussi! Nous nous arrêtons au village, où nous avons l’occasion de nous livrer à nos dernières communications: encore une heure (minimum) d’engloutie à travers les réseaux virtuels, et nous voilà ensuite prêts à partir…




Nous revenons à nos montures et nous commençons à nous éloigner du village de Bunkwimake, pour nous enfoncer à travers ces collines qui s’étendent vers le sud, à perte de vue… Un paysage qui semble vierge au premier regard, mais parsemé de pâturages, de fermes et de quelques cabanes ici et là. Nous arrêtons à un kiosque pour faire quelques achats (galettes, jus et bonbons que nous répartissons aux enfants qui occupent les lieux. Puis, nous traversons, un à un, les portails qui délimitent les terrains et ce, sans trop de gêne, excepté pour l’un d’entre eux où une barre transversale se trouve placée à la hauteur de mon cou… La mule s’engage dans l’ouverture sans problème, tandis que je dois m’empresser à faire une passe de « limbo » et me coucher complètement sur le dos.. Ouf! Puis, le chemin plus accidenté et mal entretenu.. ce qui nous oblige à user de persuasion (et de consignes fermes) pour faire avancer les bêtes, en particulier Sombra, qui se montre particulièrement hésitante. Je débarque de temps en temps pour lui donner une chance, avant de l’enfourcher à nouveau après avoir traversé les passages plus ardus.
Vers la fin de l’après-midi, la pluie se met de la partie. Nous l’endurons un certain temps, avant de nous décider à enfiler les ponchos imperméables qui se trouvent attachés sous chacune de nos selles. Cela fait le travail pour nous garder au sec, pendant que la noirceur, elle, se met à grimper, et je dois faire confiance aux pas de ma mule tout en l’éclairant au meilleur de mes capacités avec ma lampe frontale. Nous traversons des cols escarpés, parcourant des chemins creusés profondément dans la terre rouge, qui me donnent l’impression d’une gigantesque fourmilière. Nous sommes déjà en territoire Kogi. Encore quelques kilomètres et nous arrivons à notre destination. Notre hôte, (l’ami de Bungey que nous venons rencontrer) brille par son absence, et la cabane où nous entrons est de toute évidence inoccupée. Seul signe de vie: une bande de cochons qui grouinent dans la pièce d’à côté. Nous faisons un feu, à l’intérieur, nous pourrons ainsi nous reposer auprès d’une source de chaleur.

Je gonfle mon matelas, je le place dans un recoin de la pièce, et je m’installe en position allongée… Demain, une autre journée nous attend.
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Auteur/autrice
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Chroniqueur nomade, Guillaume Girard exerce son art à travers le voyage, s'inspirant de tranches de vie les plus diverses dans un monde en constante évolution. Chemin faisant, il tente d'acheminer des messages à ses semblables, que ce soit sous la forme d'une pièce musicale, d'un reportage ou d'un court-métrage de fiction, mettant en évidence les nombreux défis et enjeux auxquels est confronté l’humain d’aujourd’hui, dans son immense village global.
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