Sierra Nevada – 1ère partie

J'ai monté en moto au-dessus des nuages
Marché le camino s'éloignant du rivage
À travers les cerros où se postaient les Sages
Soleil sur la Sierra nevada

En cette période de festivités, alors que ma famille et la plupart de mes amis sont réunis autour d’un arbre de Noël, un autre genre d’aventure m’attendait dans la Sierra Nevada de Santa Marta.  On m’a trouvé, et on m’a ouvert les portes d’un monde qui demeure encore inconnu à mes yeux.. et dont je rêvais depuis un bon moment déjà.   C’est Bungey, un jeune ingénieur civil d’origine Arhuaco, qui m’a donné rendez-vous pour faire une excursion jusqu’à son village, situé en amont de la rivière Don Diego, et nous mener jusqu’à la terre des Kogis, plus loin dans les montagnes. 

 

 

Je l’attendais à la Quebrada Valencia, où j’avais passé la nuit chez un habitant rencontré lors d’un séjour précédent, et où j’ai pu refaire l’agréable promenade qui mène jusqu’à la cascade…  j’y ai trouvé une famille de singes, qui m’observait du haut des arbres,  j’ai revu la sympathique dame de la « Tribu Valencia » qui vend des confitures maison et produits à base de café et de cacao, et puis cette splendide chute qui coule à travers la majestueuse paroi rocheuse…  en haut de celle-ci, une piscine naturelle dans lequel j’ai profité de la baignade et d’un massage des plus rafraîchissants!

Vers l’heure du midi, l’ami Bungey arrive avec sa motocyclette et avec Martillo, son fidèle cabot qui l’accompagne dans le voyage.   On embarque à trois sur la moto : Bungey en avant, moi en arrière et le chien entre les deux.  Je dois faire attention pour ne pas trop appuyer sur l’appui-pied du côté droit, car le silencieux pendouille…  je trouve une corde dans mon sac qui permet de le fixer temporairement, en attendant d’envoyer la moto à la réparation.   Et nous voilà propulsés sur la route qui longe la côte colombienne…   Nous traversons le Resgualdo Kogui Malayo Arhuaco (une zone administrée par les nations autochtones de la région), et nous faisons un premier arrêt chez la tante de Bungey et son mari Jason. 

 

 

Un endroit relaxant, où nous prenons le temps de jaser à l’ombre des arbres de noni et de profiter de la plage… Un des locaux nous vante les vertus du « huito de playa », une plante indigène qu’ils sont en train de replanter sur la côte.  Les enfants se mettent à la pêche, avec un fil et une rondelle en métal, et ensuite je les laisse s’amuser avec mon matelas de sol, qu’ils utilisent pour glisser sur les vagues tel un bateau gonflable.  Bungey est parti avec sa moto pour récupérer un paquet dont il attendait la livraison…  l’opération s’éternise et pendant ce temps, je m’amuse à faire quelques portraits:  les hommes s’affairent a compléter une nouvelle construction derrière la maison, avec du bambou et un toit en feuilles de palmier, entourés des enfants qui s’amusent sur le chantier…

Lorsque l’ami Bungey revient pour me chercher, c’est déjà la fin de l’après-midi.. et on n’a pas encore débuté notre ascension!  Après mûre réflexion, il se résout à nous faire prendre un raccourci (4-5 heures de marche au lieu de 8-10 heures), ce qui implique de faire une partie du parcours en moto:  une montée vertigineuse et cahoteuse jusqu’en haut du premier « cerro ». C’est une bonne chose qu’on ait choisi un chauffeur désigné (surnommé « El Niño », assez habile dans les montées, les courbes et les bosses) pour m’y amener, pendant que Bungey me suit avec le chien et une bonne partie des provisions (on a fait des achats supplémentaires pour faire des offrandes aux gens qui vivent en haut). L’autre scénario, à trois sur ce trajet escarpé, avec tous les bagages, aurait été digne d’un film d’action de série B: c’est à dire, tout à fait irréaliste! 

Arrivé en haut le premier, j’attends Bungey, seul dans un recoin de la sierra où je ne vois aucune âme qui vive, éclairé par les dernières lueurs du jour.  Une pile de déchets au bout du chemin laisse deviner que l’endroit est quand même passablement fréquenté.  Bungey arrive une dizaine de minutes plus tard avec Martillo, puis il part dans une direction dans l’idée de cacher la moto, pendant que je descend le court sentier qui mène à la rivière.  Il faut traverser, mais je ne distingue aucun pont…  La seule chose que je vois, c’est une barque de fortune qui se trouve sur l’autre rive.  Je comprends qu’il me faudra traverser la rivière à la nage pour pouvoir la récupérer et la ramener de ce côté-ci.

Je m’exécute, mais il reste que je n’ai pas les instructions pour manier l’embarcation…  Il se trouve qu’entretemps, deux autochtones sont apparus et l’un d’eux détache le radeau qu’il dirige avec un long bâton muni d’une pelle.  Je plonge une seconde fois, pour rejoindre Bungey qui vient d’apparaître sur l’autre rive.. et à peine quelques secondes se sont écoulées lorsque je vois dépasser une tête dans l’eau, juste à côté de moi… c’est Martillo, guidé par son instinct d’animal protecteur, qui est venu me rejoindre!   Cependant, le courant est assez fort… et je vois le pauvre chien dériver à cause du courant.  « Martillo, qu’est-ce que tu as fait là? », me dis-je intérieurement, et voilà que maintenant, c’est moi qui doit se porter à sa rescousse.   Je le vois, tel un petit enfant, nager avec ses petites pattes d’en avant, pendant que le rivière l’entraîne dans son lit…  Je m’élance vers lui, et je réussis à l’attraper avec mon bras et à le ramener vers la rive.  Ouf!  le sauvetage du chien a réussi!  Il ne reste plus qu’à rejoindre la barque et y déposer nos bagages, de même que le cabot, qui se remet de ses émotions.  

Je refais la traversée à la nage, pendant que les autres utilisent le radeau pour rejoindre la rive opposée.   Nous pouvons, enfin, débuter notre randonnée, accompagnés par les lucioles qui, à la lueur de leurs abdomens, viennent étinceler le paysage qui s’est obscurci.  Il fait déjà nuit alors que nous amorçons le trajet à pied en direction de Bunkwimake. 

Lire la suite:  Sierra Nevada – 2e partie

 

Auteur/autrice

  • Chroniqueur nomade, Guillaume Girard exerce son art à travers le voyage, s'inspirant de tranches de vie les plus diverses dans un monde en constante évolution. Chemin faisant, il tente d'acheminer des messages à ses semblables, que ce soit sous la forme d'une pièce musicale, d'un reportage ou d'un court-métrage de fiction, mettant en évidence les nombreux défis et enjeux auxquels est confronté l’humain d’aujourd’hui, dans son immense village global.

    Voir toutes les publications