Me voici téléporté dans un nouveau lieu haut perché, sur une des collines qui surplombe le village de Minca. Autour de moi butinent des colibris, et autres oiseaux et papillons qu’on croirait sortis tout droit du paradis. Y suis-je déjà? Aurai-je pris une avance sur ma paie, la vie m’aura-t-elle offert, à mi-parcours, un avant-goût d’une idyllique fin des temps?
J’essaie en vain de me pincer, et tout demeure inchangé… les quelques points rouges qui ornent mes bras et mes chevilles (dus aux moustiques et/ou mouche noires, mais rien de vraiment extrême) me rappellent néanmoins que j’ai dû, à quelque part, payer mon entrée. Et la vue prenante que j’ai en ce moment de Santa Marta, avec ses montagnes et ses édifices blancs, me ramène le souvenir d’une vague réalité.
J’y étais, il y a une semaine, dans le brouhaha de cette cité qui a dû être, à ce qu’il paraît, la première à être fondée en Amérique par les colonisateurs espagnols. Et cette mer, qui se fond à travers les nuages en arrière-plan, je la survolais la veille; vaste étendue d’un bleu azur, caraïbesque, d’où émergent ces îles légendaires dont certaines n’ont plus besoin de présentation : Cuba, la Jamaïque…
Mon voyage a commencé tout juste avant la nouvelle lune de décembre, et c’est fou de me dire que j’ai dû investir, pour me transporter jusqu’ici, à peine plus de l’équivalent de trois pleins d’essence. Il faut croire que les astres étaient alignés pour ce nouveau tournant, cette nouvelle tournure, cette nouvelle tournée sur cette portion du continent où je me sens comme un poisson frayant dans l’eau d’une cascade fraîche. Des chutes et des cascades, il n’en manque pas ici, j’ai l’embarras du choix.. et armé de ce nouvel appareil qui fait de petits miracles photographiques, j’ai de quoi vous partager quelques-uns de ces endroits magiques : la quebrada Valencia, el Oído del mundo, la Cascada de Marinka, Pozo Azul, la Cascada escondida… tant de points de vue magnifiques (et hautement photogéniques) que cela devient un défi pour moi de délaisser quelque temps la lentille de ma caméra pour plonger complètement dans cette instant présent… dans cette nouvelle réalité qui s’offre à moi à chaque moment.
Voilà, j’ai choisi de l’assumer, cet œil de photographe qui revient au galop.. et aussi bien vous en mettre plein la vue maintenant, quitte à vous donner un « break » par la suite. De toute façon, aussi bien se l’avouer maintenant : au rythme où se déroule, déjà, le cours des événements, j’aurais beau essayer de tout vous raconter… je ne fournirai pas. Bon, c’est dit. En plus du fait que j’ai envie de consacrer plus de temps à la musique, et je dois dire que j’ai l’environnement idéal pour cela à la Estancia Madre Tierra. Celle qui m’accueille ici, Doña Sonia, est elle-même prof de musique et elle a mis sur pied une fondation, Voces del Sur, qui l’amène à s’impliquer auprès des jeunes d’ici en leur donnant la chance d’apprendre et de prendre part à une chorale ou à un ensemble de percussions.
Ce soir, nous partagerons des chansons autour du feu, agrémenté d’un vin de goyave fait maison. Et je regagnerai ensuite ma petite cabane privée, bien entouré par la végétation et les chants de la selva.. J’ai envie de la surnommer la nouvelle « Rescapée », avec son allure artisanale, construite à l’aide de mâts de bambou et de terre argileuse, et je suppose que j’ai eu droit à un rabais car elle n’est pas terminée… Mais avec les températures clémentes, de nuit comme de jour, et toute cette beauté qui m’entoure, je ne peux m’empêcher de conclure avec cette évidence: ici, on n’a pas besoin de murs.
