Sur la côte, un dernier blitz… en musique

Les fêtes du nouvel an étant terminées, mon premier réflexe est de prendre l’autobus direction Santa Marta.    J’y arrive en fin de journée, la place de marché est déserte, une bonne partie des commerces sont fermés en ce jour férié.   Mon cellulaire étant toujours « en panne », je n’ai pas pu trouver d’hostel sur internet; je me dirige donc en direction du centre, où se trouve l’Hostel Republica, qu’une autre voyageuse m’avait chaudement recommandé.  Sur le trajet, un groupe de gars assis sur le bord de la rue me quêtent de la monnaie sur un ton plutôt agressif : « Si no nos das monedas, te vamos a robar ».  J’ai tout mon équipement sur moi, je me sens vulnérable, pas question de sortir mon portefeuille.  Je poursuis mon chemin en les ignorant.  Ils décident de continuer à me crier des insultes, pendant que je continue à m’éloigner d’eux… puis ils se mettent à lancer des bouteilles en ma direction, qui se fracassent par terre en mille éclats de verre.  Je me retourne juste une fois, pour leur faire un « finger ».   Ça commence raide l’année 2022, me dis-je intérieurement.  Heureusement, des gens ont été témoins de la scène et je me tiens à leurs côtés, à l’entrée d’un dépanneur.   Constatant que les gars ont renoncé à marcher en ma direction, je continue mon trajet, en prenant la précaution de changer de rue (celle où je circulait était soi-disant peu recommandable).  Puis je croise un groupe de policiers, j’en profite pour faire une plainte et leur indiquer l’endroit où se trouvent les pauvres voyous.  

Arrivée à l’hostel Republica. Je demande pour un lit en dortoir, je me fais répondre qu’il ne reste plus aucune place..  Pourtant ça avait l’air quand même chouette, un groupe de gens rassemblés autour d’une piscine et une ambiance de party…  Je rencontre un gars qui s’apprête à parcourir l’Amérique du Sud à vélo,  on discute un peu.   Mais bon, mon intention n’est pas de m’éterniser ici, c’est déjà bien qu’on me laisse entre dans le lobby pour utiliser le signal Wi-Fi.   De plus, il commence à se faire tard, et en consultant la liste d’hostels et d’auberges de jeunesse disponible, je constate que ceux-ci se remplissent rapidement en cette période très achalandée.  Je réussis à réserver le dernier lit d’un autre hostel, situé un peu plus sud.  Je reprends ma marche.  Une quinzaine de minutes plus tard, je trouve l’endroit, ça a l’air correct, je parle à la demoiselle de la réception qui me suggère gentiment de déposer mes trucs.  Je vais enfin pouvoir me relaxer un peu… et scrutant la piscine du coin de l’oeil, je m’apprête à me dire: « mission accomplie ».  Mais non.   Après avoir fait une vérification, la fille me déclare qu’il y a eu une erreur et qu’il n’y a plus de lits disponibles.  C’est quoi ce délire?    J’ai pris la peine de faire une réservation, et je me retrouve, encore une fois, sur le perron.  Bon, je dois me ressaisir et réfléchir à mes options.  Il me reste le Distrito, cet hostel qui m’a accueilli pour mes premières nuits en Colombie.  Ça tombe bien, il se trouve dans le même quartier, quelques blocs plus loin.  C’est ma dernière chance, me dis-je en moi-même, avant de me résigner à dormir quelque part sur une plage ou dans la rue…   (oui Guillaume, très bonne idée :-s)   Je demande à la jeune femme si je peux lui confier mes bagages le temps d’aller m’enquérir des disponibilités à l’autre hostel.   Je ne me fais pas trop d’illusions, je sais que l’endroit est souvent plein, mais je pars néanmoins, le dos un peu plus léger.  J’arrive devant le Distrito, je sonne et je monte à la réception, le gars me répond et prend un bon moment pour consulter son ordinateur.  Roulement de tambour.  OK, il lui reste une chambre privée.  Puis, le temps que je fasse l’aller-retour pour aller chercher mes affaires, une place dans un dortoir s’est libérée.  Je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles…

Le lendemain, je marche dans les rues de la vieille ville; le soleil frappe dur, j’aurais envie d’aller me rafraîchir mais je ne sais pas trop où.  On dirait qu’au fond, je n’ai pas tant envie cette fois de me trouver à Santa Marta.  Ma principale raison de me retrouver dans la ville consiste à y trouver une boutique de Virgin Mobile pour m’aider à résoudre mes problèmes de téléphone (je me ferai répondre que mon téléphone a été bloqué sur le réseau et que ça pourra prendre jusqu’à trois jours ouvrables pour le débloquer).  L’autre intention que j’ai est de retrouver Bungey, à qui j’ai promis de remettre toutes les photos et vidéos prises lors de notre aventure de la semaine dernière, mais il n’est pas encore revenu chez lui (il est retourné dans la Sierra Nevada où il passe les fêtes avec sa famille).  Et tout ce temps où je m’évertue à perdurer dans cette ville, je dois me livrer à un jeu de chaise musicale pour réussir à y garder une place pour passer la nuit.  C’en est trop!  Vers 4 heures de l’après-midi, je me dirige vers le marché…  je vais prendre le dernier transport pour Minca!

À mon arrivée au marché, l’agence de transport est fermée, le dernier véhicule de passagers est parti une demi-heure avant mon arrivée…  J’aperçois la mini-van, vide, et je dois avouer que c’est une chance que le chauffeur réside à Minca et qu’il a accepté de m’embarquer sur son trajet de retour.  Wow.. merci à ma bonne étoile.  Pour à peine le double du billet normal, j’ai eu droit à un transport privé!  Une fois arrivé à destination, je marche direct en direction de l’estancia de Doña Sonia, où j’ai comme cette impression familière qu’il y aura toujours une place pour moi.   Ce soir, elle a invité les garçons a venir jouer autour du feu avec les tambours.   Chaleureuse ambiance…  je ne regrette aucunement m’être évadé de la ville pour revenir dans ce havre de bonnes vibrations.  

 

Le matin suivant amène son lot de surprise…   À commencer par le chien, qui a décidé qu’il prenait ma place sur le tapis de sol.   Alors là… moi qui pensait avoir tout vu, il ne manquait plus qu’un chien qui fait du yoga!     Aussi, je rencontre Daniel, un musicien colombien qui est très enthousiaste à l’idée de partager des chansons.   Je lui dis qu’il me fait penser à un chanteur québécois (un certain Daniel.. Boucher).  Mais dans le style, il fait beaucoup plus « costeño »!   Je lui propose de m’accompagner pour faire un petit tour du village…   mais aussitôt qu’on passe devant un restaurant, le voilà qui disparaît!   Après avoir sondé du regard toutes les directions, je l’aperçois, sur une des terrasses, en train de chanter la pomme aux clients rassemblés autour d’une table devant lui.   Puis il me rejoint et on continue notre balade.  À peine quelque secondes plus tard, le voilà en train de répéter le même stratagème, dans un autre restaurant, et ainsi de suite…   Ça semble bien fonctionner pour lui, à en juger par son sourire fendu jusqu’aux oreilles!   Avec l’argent ramassé, il pourra se permettre de payer à l’avance quelques nuits a l’hostel…     

Puis, à peine rendus au bout de la rue, nous interceptons David, un américain que j’avais rencontré quelques semaines plus tôt.  Ce dernier titube l’air joyeux, traînant avec lui son saxophone dans son étui, se dirigeant vers l’hostel Ecopoint.   On décide de l’accompagner, et la soirée se poursuit au rythme de la musique endiablée à laquelle nous nous joignons tous allègrement.  

 

 

Puis, vient le temps de faire mes adieux…  Je me dirige un de ces soirs au terminal d’autobus de Santa Marta, ayant pris la décision de continuer mon voyage vers le sud du pays.    En même temps, je commence à songer:  pourquoi partir aussi subitement, après avoir rencontré tous ces chouettes musiciens (avec qui ça clique, visiblement)? Et voilà qu’arrive ce que j’interprète comme un signe:  l’autobus en direction de Bucaramanga est plein, plus aucune place disponible…  Heureusement, j’ai une place pour dormir non loin de là:  chez Bungey, chez qui j’avais séjourné la veille (il est parti depuis ce matin en expédition, mais son frère est là pour m’accueillir ainsi que d’autres membres de sa famille).  Le lendemain, je lâche un coup de fil à mon pote Daniel: ça te dirait, qu’on se fasse un petit week-end à Palomino?

Le plan semble fonctionner, Daniel a répondu favorablement à mon invitation, et nous nous rejoignons dans le centre-ville de Santa Marta.  Mais avant toute chose, il y a un impondérable:  ça me prend une guitare!  Je vais donc dans le magasin de musique où j’avais repéré un modèle de guitare électroacoustique;  j’en essaie quelques unes, et je repars avec l’une d’elles, de marque locale, un investissement de 600 000 pesos colombianos.  Je tenterai de la rentabiliser en faisant quelques concerts… Et allez hop, nous voilà dans le bus, on est partis! 

 

Palomino, toujours de fiesta, et ce week-end plus que jamais…  avec trois festivals dans le même laps de temps (Jaguar festival, Palomino Sound Fest, et un autre dont j’oublie le nom),  pas mal pour un village de moins de cinq mille habitants!   Nous débarquons à l’hostel Clandestino, où on retrouve Omar, l’ami vénézuélien qui joue du cuatro.   On se partage un snack, on se montre quelques thèmes et on discute un peu…  l’idée est de profiter des nombreux restaurants et des clients qui y sont réunis pour enchaîner les prestations devant public et passer le chapeau.   J’aurais quand même apprécié qu’on prenne un peu de temps pour pratiquer…  mais voilà que nous nous sommes à peine mis d’accord sur les chansons à jouer qu’Omar et Daniel nous entraînent dans la rue achalandée.  Pas le temps pour une pratique, insiste Omar, ça se fera devant notre premier public..  c’est l’heure du repas et chaque minute qui passe où on n’est pas là-bas en train de jouer est de l’argent de perdu  (ça se vaut, quand même, comme point de vue).  Et nous voilà dans un « patio de comidas » tout au bout de la rue, en train de préparer notre public à la prestation éclair que nous sommes sur le point de livrer.   L’un joue du cuatro pendant que l’autre chante les premières paroles; et moi qui ajoute mon grain de sel, mini-ampli à la ceinture, avec quelques solos improvisés avec ma nouvelle guitare. 

Trois chansons et puis on continue notre trajet, après avoir récolté la monnaie et les billets,  et on répète le même maneige dans le restaurant voisin, et ainsi de suite..   Nous nous rendons ainsi jusqu’au boulevard (la route principale), où on livre pour une énième fois le succès colombien: « El Pescador ».  Un des gars du resto a capté la prestation avec son téléphone, je lui demande de nous le faire parvenir, ça nous fera un bon souvenir!  (avertissement: à regarder à la verticale puis à l’horizontale… :-s)

Après cela, la nuit se poursuit avec son ambiance chaleureuse et son rythme vibrant..  Et le guarapo coule à flot, tandis que je partage du bon temps avec des amis artisans.  À l’hostel où j’ai accroché mon hamac, on attend incessamment un groupe de musique folklorique  (« Son viajero »).  La gaïta commence à se faire entendre…  allez, la musique recommence, j’y retourne à l’instant! 

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